le Bal de l'Internat des Hopitaux de Paris

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Le bal

Le Bal de l'Internat 1923

par Froufrou

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L'avant-dernière nuit, au son des trompes de chasse, des tambours et des clairons, des cuivres de rorchestre et de tous les
instruments que peut imaginer et improviser un homme décidé à faire du bruit, les carabins ont fait danser leurs petites amies.
Car la nuit du 15 octobre fut celle du Bal de l'Internat de 1923.
C'est une bien vieille tradition que celle-ci, mais l'âge ne lui a rien fait perdre de son esprit gail!ard. On ne dira jamais assez l'importance de cette fete de famille car au fond c'est une fete de famille malgré sa liberté d'allure et le ton salé et poivré de sa gaîté.
Grâce à elle, voilà, pour un jour, redevenues vlvantes, .les anciennes habitudes, les scies et les plaisanteries transmises dans les salles de garde de générations en générations et qui finiraient bien par être oubliées si, chaque année, le bal de l'Internat ne donnait un coup de plumeau sur les chères vieilles petites choses. expression de la franche amitié qui unit les « compagnons » du même art.
Le jour où le bal disparaîtrait l'esprit carabin serait bien malade, il ne tarderait pas à mourir ; ce qui serait fort regrettable.
Pour bien comprendre de quoi il est fait, cet esprit carabin, il. faut d'abord penser à la vie quotidienne de l'étudiant en médecine et à la promiscuité constante dans laquelle il se trouve, avec les pires souffrances et les maladies les plus épouvantables, Madame la Mort préside chaque instant de sa journée et le cadavre allongé sur la table de dissection est son compagnon.
Et ces jeunes gens-là peuvent encore rire, s'amuser, aimer, dites-vous ?
Mais oui mais oui, rassurez-vous, le côté professionnel intervient et tout change. D'ailleurs à quoi l'homme ne s'habitue-t-il pas? Les soldats qui ont fait la guerre le savent bien. , .
Et puis les faits sont là, Les carabins sont de joyeux drilles, ils l'ont prouvé une fois de plus lundi dernier.
Mais leur gaîté a quelque chose d'excessif, d'outré dans le grotesque, s'il y a quelque chose de cynique et de brutal dans leurs plaisanteries qui donne au bal un caractère assez différent de celui des Quat-z'Arts. '
Mais c'est cependant une fête animée d'une joie frénétique et exhubérante.
On l'a bien vu l'autre nuit, lorsque sautaient, dansaient, criaient, chantaient tous ces joyeux garçons couverts d'oripeaux abracadabrants et ces filles effrontées, qui n'avaient pour tous vêtements que leur peau, et rien par-dessus.
Ainsi, chacjue année, les internes convient à cette fête leurs externes, le jour même où ceux-ci ont passé le concours qui peut-être les fera internes à leur tour. Ces jours-là on aime bien à se retrouver entre amis du même métier. C'est ce qui donne au bal de l'Internat sa signification et sa'raison d'être.
II existe depuis fort longtemps. Tout d'abord on se contenta d'un dîner en salle de garde, après quoi allait finir la soirée à Bullier. Et puis, pour être chez soi, on loua la salle ce soir-là, mais les invités y venaient vêtus, comme bon leur semblait, les hommes en veston et leurs amies en robe de ville du moins quand elles arrivaient, car au bout d'un certain temps, jupes, corsages et jupons, voire même pantalons et chemises s'envolaient par-dessus tous les moulins.
Ce ne fut pas la pudibonderie qui fit trouver aux gens de goût que la liberté de certains gestes et de certaines attitudes exigeait plus de couleur et de fantaisie . . .
C'est alors q'ue Bellery Desfontaines vint et avec lui une équipe de peintres. Du coup le caractère du bal changea, ce fut un bal costumé, mais il fallait que les costumes fussent extravagants. On éleva dans la salle, des loges, on tendit des toiles peintes ; chaque hôpital eut son char, son cortège, il y eut un défilé. Le Bal de l'lnterIlat devint une fête artistique comparable au Bal des Quat-z'arts, encore que l'esprit qui l'anime et son aspect général n'en fussent jamais de tête. L'esprit du Bal de l'Internat est très particulier. Les costumes sont bouffons, la parodie et la farce y règnent en maîtresses, et de constantes allusions sont faîtes aux événements qui ont marqué l'année médicale. C'est un bal de médecins organisé par des médecins et pour des médecins.

Une autre différence entre les deux bals vient que les femmes de rapins sont pour la plupart des modèles pour lesquelles être nues est p rofessionnellement l'état le plus naturel tandis que les amies des carabins sont des « copines » du quartier, quelquefois d' anciennes malades, qui se déshabillent parce qu'elles sont bonnes filles et que leur pudeur en a vu d'autres, mais ce n'est plus le nu académique. Ce détail est à noter en passant. A l'Internat ces folles filles gardent souvent leurs bas, jamais au Quat-z'arts. Cela donne à l'assemblée un autre caractère.
Mais au fond les Quat-z·arts et Internat se ressemblent. C'est la même fantaisie parodique, le même mépris des convenances et de la morale bourgeoise qu'on tourne en dérision tant qu'on le peut; l a même impudeur gaillarde et bonne enfant pas vicieuse pour un sou.
Le plus curieux, lorsqu'on y pense, c'est que les plus fous parmi ces joyeux drilles seront peut-être plus tard de farouches gardiens de cette morale et cette pudibonderie que l'autre, nuit ils offensaient avec tant de bonne humeur.
Il y 'avait à ce bal un jeune guerrier grec plus ivre à lui tout seul que toute la Pologne. Eh bien. il sera peut-être d'ici trente ans un Monsieur en redingote couvert de plaques, de croix et de rubans qui présidera gravement un Congrès antialcoolique.
Et cet autre qui courait et sautait déguisé en faune -ou en Karageuz - pourchassant pour les entraîner dans les profondeurs de la loge de son hôpital toutes les femmes qui lui tombaient sous la patte. Faites-vous le pari que dans un quart de siècle. il sera président dans sa province de la ligue locale contre la licence des rues et ne se souviendra plus du tout avoir le 15 octobre 1923 exécuté de remarquables prouesses sous les applaudissements et les cris de joie de toute une troupe de Grand Turc, de hussards, d'Arabes, de sauvages et d'aimables filles mises en appétit par le spectacle qu'il leur offrait.
La salle était décorée par des toiles peintes couvertes d'ornements et de figures très peu chastes. Dans ce décor haut en couleurs se trémoussait la foule en liesse, chacun s'étant costumé de son mieux. Beaucoup de ces déguisements étaient très drôles. Le champagne qu'on avait déjà commencé à boire pendant le traditionnel dîner en salle de garde faisait que, filles et garçons, comme s'ils avaient le diable au corps, sautaient, dansaient, se poursuivaient, en criant et en chantant. Il y avait en maints endroits des scènes d'un pittoresque très hardi, et ce sabbat dura toute la nuit, mais un sabbat de bonne humeur et plein de bonhomie .
Tandis que défilaient les chars et les cortèges -chaque hôpital avait le sien - chacun s'efforçait d'être plus spirituel que ses voisins - les anciens pensaient à tous les Bals de l'Internat que déjà ils, avaient vus. Car il y a toujours des « anciens » dans ces bals, qui pour rien au monde ne manqueraient leur bal annuel, il y en a qui en ont vu dix, vingt-cinq, trente Bals de l'Internat et qui y retournent chaque fois avec un nouveau plaisir.
En est-il passé devant leurs yeux des défilés et des cortèges, quelquefois d'un réel caractère artistique comme l'armée de Vénus avec les prêtresses et les guerriers et les poètes grecs que La Charité montra une année, ou les « Contes de Perrault » des EnfantsMalades. ou le « Bateau de Pêche », ou encore « Les Rêves de l'i nterne ».
Mais souvent les cortèges ont un caractère plus strictement médical. C'est ainsi que la Salpêtrière fit défiler une fois un véritable cauchemar, un cerveau gigantesque entouré de fous et de folles qui s'y démenaient frénétiquement. Lariboisière composa une hallucinante descente aux enfers. Nous avops vu aussi le triomphe du 606 depuis la découverte de l'Amérique, jusqu'à Vénus enfin guérie mais le 232e Arabe résistait à tout traitement. Il y eut aussi la « Pénétration anti-typhique au Maroc », « La Foudrothérapie » et bien d'autres.

Quelquefois la fantaisie seule préside au cortège, comme cette « Noce au Village» de l'Hôtel-Dieu réunissant des paysans ahuris et de petites dames court-vêtues qui avaient étrangement choisi la place où elles s"étaient mise de la fleur d'oranger. Quelquefois aussi il s'agit de représenter un événement local. Quelques-uns ayant refusé une année, de prendre part à la fête, on vit arriver un petit groupe tout de noir vêtu, les femmes au-dessus de leur bas de soie noire étaient drapées dans une écharpe de crêpe et tout en pleurant ils portaient une couronne sur laquelle était écrit : « A leurs collègues qui dorment en paix. les survivants de l'Hôtel-Dieu ».
Lorsqu'on interdit aux femmes l'entrée des salles de garde, le bal qui suivit rappella de mille façons plus ou moins ingénieuses cette interdiction depuis les eunuques de l'Hôtel Dieu, jusqu'à l'enterrement de première classe de Necker avec les draps noirs, les couronnes et le registre où l'on venait s'inscrire.
Nous l'avons dit les carabins ont la blague féroce.
L'an dernier ils avaient eu une idée bien ingenieuse. Chaque hôpital devait évoquer une chanson de Salle de Garde. Elles sont très belles ces chansons, d 'une verve drue et truculente, les carabins n'avaient pas eu peur de les représenter telles qu'elles sont. La grande bataille des Poux et des M..., le Père Dupanloup, les Trois Orfèvres, le Jeune homme de Besançon défilèrent tous. Absalon pendu, Samson tondu, les infirmières de l'Hôtel-Dieu et tous et toutes.
Ce défilé eut le succès qu'il méritait. Il n'y' avait pas de chastes oreilles, ni d'yeux candides au bal de l'Internat. C'était heureux.
Les plaisanteries de Salle de Garde feraient rougir les corps de garde. Aussi le contrôle fît-il bien de se montrer sévère afin que cette fête gardât strictement un caractère privé. On est entre soi. On sait le sens qu'il faut donner à chaque chose et les invités viennent là en acteurs et non pas en spectateurs.
Mais dites. les Anciens. quel est lJe Bal qui vous paraît le mieux réussi. Celui de cette année, ou celui de l'an dernier? Ou un autre ?
Je sais bien ce que vous répondrez. les plus belles, fêtes furent celles qui furent données alors ,que vous aviez vingt ans...

Texte et dessins de André WARNOD.
Fresques de TOUCHET.

Froufrou le bal

 

 

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