... Le Bal de cette année,
comme caractéristique, a offert aux yeux le spectacle d'un délicieux
Paradis de Mahomet. il se résume en une amusante et énorme
protestation contre une certaine circulaire administrative, taquine
et peu galante : songez qu'il ne s'agissait rien moins que de l'interdiction
de toute présence féminine dans les salles de gardes.
....... C'est à ce veto que le bal
dut son principal relief. On apporta des efforts tout spéciaux
à l'édification des loges, où s'en donna à
coeur joie une critique malicieuse contre Ba... l'auteur de la circulaire.
Le plus piquant, c'est qu'on put constater la quantité prodigieuse
et le grand charme de l'élément féminin prohibé.
Ces délicieuses partenaires furent fétées, acclamées
et aimées par nos joyeux Internes et Externes, autant que fut
conspué, honni et détesté ce chagrin Ba...., du
cousinage d'Anastasie-Bérenger. Et contre le lugubre censeur,
les dames firent écho. Ne les avait-il pas empechées de
danser en rond autour des tables diurnes et nocturnes, des jadis si
accueillantes salles de gardes?...
....... Mais procédons par ordre,
pour chanter les hauts faits des internes et artistes pendant les diverses
périodes du Bal. Voici la première. On se met gravement
mais joyeusement, à la recherche d'une idée pour la composition
d'un cortège et d'une loge. Si la salle de garde est peu nombreuse
ou a rassemblé peu d'adhésions, on renoncera au premier
et on se contentera de la seconde. La gaité est à l'ordre
du jour. Dans ce monde de travailleurs, le Bal est une trève
dans le labeur de l'année; c'est le moment où les camaraderies
se nouent et s'affirment, plus franches, plus ouvertes; pendant des
jours et des nuits, les internes vivent rapprochés, oubliant
les rivalité de métiers, les tracasseries de service.
Le contact des artistes, collaborateurs des grands projets de la fête,
ajoute à l'entrain de cette belle jeunesse. Ce sont des heures
d'abandon exquis, de bavardage fou, de rire débridé. O
le bon rire éclatant et sonore, qui salue les imaginations saugrenues,
les idées droles, les conceptions fantaisistes!
....... Vraiment, y-a-t-il là matière
à irriter les barbes grises ? Et les jolies femmes qui apportent
en salles de garde le charme de leur peau fraiche et de leur sourire
sont-elles de si grandes coupables ? Quelqu'un l'a pensé cependant,
de qui la jeunesse sans dout fut revèche... Et cela nuisit quelque
peu - pas trop- à la gaité des préparatifs. Ah!
M. Ba..., cherchez dans la cendre des heures : il est impossible que
l'évocation de vos vingt ans, si austères qu'ils fussent,
ne fasse pas remonter en votre esprit quelque souvenir rose et battre
votre coeur de quelque émotion dépassant un peu le tiré
au cordeau de vos prescriptions d'aujourd'hui ? N'écartez pas
le gracieux souvenir; dites vous qu'il faut que jeunesse se passe. La
vie n'est elle pas assez morose ? Lisez Villon, M. Ba..
Qui ne m'entend n'a suivi les bordeaulx,
Soient frittes ces langues envieuses :
Ne soyez pas fou de sagesse et dites-vous que, si la jeunesse est folle,
elle devient souvent sage à force de folie, et que c'est là,
somme toute, la bonne manière.
....... C'est comme à Cochin-Ricord
et à la Maternité que, cette année, nous collaborames
[fig1]. Pour nous aussi, artistes, c'est une joie de nous retrouver
dans un milieu d'Internes, tous charmants et pleins d'esprit. Nous étions
un groupe où certains étaients de qualité : en
tete, en effet, nous avions les maitres Charles Toché et Isabey;
puis c'étaient les peintres Chanson, Charpentier, Henry-André;
les sculpteurs Barou, Baudot, Maës. On s'était arrété pour sujet de loge et de cortège,
à l'idée de la "Ligue contre le mal de mer".
Ricord, devenu annexe de Cochin, était interressé à
la question pour les mères "mises à mal" (A
toi, Jean Bobrie de la Rochelle!); la maternité se ralliait au
meme "cry" pour les "mères mises à bien".
C'est pour la première fois que la Maternité, maison et
école d'accouchement, était représentée
au Bal de l'Internat. Voici [fig3] la bannière que porta triomphalement
son réprésentant, l'excellent copain Henri Vignes. Le
milléssime y indique que l'année 1913 fut particulièrement
em...., au point de vue de l'appel avancé des jeunes conscrits
sous les drapeaux. Dans les conditions nouvelles, le foetus militaire
ne deviendrait il pas le rève de nos gouvernants ? n'arrivertont
ils pas à le prendre à l'huis du four ?..
....... La bannière de Cochin, du
Cochin d'à présent, montre l'abbé-fondateur sous
un nouvel aspect; l'auguste personnage est représenté
selon l'esprit actuel en aéroplane. Et quel aéroplane!
[fig4] Et quel moteur ! Mais chut ! souhaitons à nos amis les
Internes d'avoir toujours à leur disposition, dans quelque coin
de leur salle de garde, le bon soufflet de la Vénus Callypige
ornant leur bannière ! Hélas ! Les temps sont durs, et
, cette année les salles de garde ont été trop
exclusivement réservées aux invités du sexe fort.
De toute antiquité, cependant, la lumière et la joie d'un
festin, n'est-ce pas la femme, de notre archi grand mère Eve
à Mme X ..., en passant par la belle Hélène, Cléopatre
et "tutu" quanti ?
....... Cette
proscription des femmes en salle de garde est due à une cause
bien minime et fluide.... Faut il l'évoquer?... Eh bien! ce fut
un pauvre petit pipi, tombé dans la rue d'une fenetre de Cochin
à la faveur de la nuit. On dit qu'il chut malencontreusement
sur un képi. O néfaste insigne de l'autorité! pourquoi
le hasard fallacieux te mena-t-il sous cette gargouille si ténue
et improvisée? Et toi, pauvre petit ruisseau eusses tu cru qu'il
put venir de toi si large rivière ? et que cette rivière,
cette année, se transformat en tel torrent... de récriminations
et d'injures? L'an passé, ils étaient trois bonzes censeurs,
Bo, Cu, Ba. Le dernier fut trop blagué, si bien que cette fois,
à lui seul, il devint féroce. Le grand Pontife de l'A.P.,
qui par fonction et de par son nom, ne manque pas de mesure, se montra
compatissant aux suppliques des salles de garde; de meme, Bo et Cu se
souvinrent de leurs années de jeunesse et sourirent. Seul Ba..
demeura inexorable. Aux plaintes des Internes protestataires, aux lamentations
des petites femmes gentilles, il répondit quand meme par une
Saint-Barth...élemy de ces mignonnes.
....... Il faut constater cependant, que quelques salles de garde virent leur
diner du Bal, fleuri de gentil minois : Bicètre, Les Enfants-Malades,
Trousseau, etc. Mais des Directeurs firent respecter l'ordonnance avec
rigorisme. Ce fut alors plaisir des dieux que d'arriver à glisser
en fraude quelque petite amie. Meme dans la forteresse de toutes les
vertus et de la rue Ambroise Paré, il vint une jolie, gracieuse
et combien artistique dame. Oui, pends toi, Fortis, avec ton cordon
de Saint-Francois! Mais, surtout, ne t'en prends pas à ton pauvre
cerbère nocturne. S'il laissa passer sans sourciller le beau
petit mahométan en route pour le paradis du Prophète (vulgo,
salle à manger des Internes), un autre cerbère, bien plus
averti, y fut pris pareillement et fit le jeu inverse à l'entrée
de Bullier. En vain notre musulman frauduleux offrit au Président
du Comité, Vaudescal, le laisser-passer de rigueur. Il lui fallut....
O la jolie carte de dame, ronde, fière, blanche, avec une pointe
rose!...
....... Ailleurs on vit arriver, avec une
mine innocente, de mignons télégraphistes, porteurs de
petits bleus de fantaisie et ..... d'autres plus réelles petites
choses roses. Dans beaucoup d'autres hopitaux, d'où Graces et
Ris demeuraient proscrits, on émigra tout bonnement de la salle
de garde. Il y eut des agapes sur le trottoir, devant l'Hotel Dieu.
....... Cochin demanda l'hospitalité
à son voisin d'en face, le docteur Madeuf, dans son Médical-Hotel.
Salle superbe et heureusement très grande, car on devait etre
soixante dix et on fut le double. Le docteur Madeuf fit bien les choses.
Quant aux dindes truffées, aux vins de Bourgogne et de Champagne,
tout cela traversa la rue... Diner à grand orchestre où
Henry-André, selon son habitude, hurla aussi fort que faux. L'élément
féminin était représenté brillament : Margot,
la Mère abbesse, tronait, muée en impératrice de
Byzance. Ses filles l'avaient suivie, resplendissante garde d'honneur,
joliment déshabillées de résilles à grands
losanges ....
....... Mais fuyons le tintamarre de cette
bacchanale-kermesse et revenons en arrière, aux préparatifs
des cortèges et loges de l'hopital Cochin. Cet
hopital-phénix renait de ses cendres, mais cette résurrection
n'est pas achevée. Ce fut dans l'ancienne salle de garde de Ricord
qu'en attendant beaucoup mieux, les Internes se réunirent et
commencèrent l'enfantement laborieux et joyeux des projets pour
la fête. Quant à leur exécution matérielle,
on y procéda dans d'anciennes salles, sous la présidence
du bon maitre Toché. Ces ateliers de fortune d'un pittoresque
inattendu, avec leurs énormes poutres verticales soutenant les
plafonds. Toché travaillait allégrement à une superbe
toile de fond destinée à la loge future, sans se soucier
le moins du monde des étais vétustes et d'un écrasement
possible. Sa toile fut superbe d'allures et bien dans la note du haut
style décoratif vénitien. L'oeuvre du Tiépolo moderne
qu'est le maitre Toché constituera une décoration splendide
pour la future salle de garde des internes de Cochin.Plus tard, quand
ceux-ci seront devenus des Fossiles, les jeunes gens qui auront pris
leur place pourront dire, en pensant à leurs prédecesseurs
de 1913 : -"ils devaient etre de chics types pour qu'un maitre
soit venu leur faire une si belle chose." Et ces internes de demain
auront raison. Las salle de garde de Cochin, en cette année 1913,
n'est composée que de bienveillants et gentils camarades, dont
l'économe Percepied n'est pas le moins aimable.
....... Pour encadrer l'oeuvre de Toché, Isabey composait le portique
qui devait etre placé devant. Notre gravure [fig6] n'en peut
donner qu'une impression très imparfaite, car le charme de sa
couleur était intense, ayant allure de décoration persane.
Cet encadrement de tout premier plan rejetait bien au fond de la loge
la superbe toile de Toché, représentation du Temple de
Poestum. Tout devant un rutilant, un rutilant centaure, à la
Tiépolo [fig5], invite Sapho à bien vouloir venir jouer
un petit air, -toujours à la Tiépolo- "suonare del
fiuto".
....... Et l'on oeuvrait au milieu des
beuveries et des chansons... Le jour le plus écrasant fut le
dernier. Comme chaque année, rien n'est pret, ni les costumes,
ni les soupers. Et il faut construire la loge à Bullier, tandis
que les jeunes agonisent sur deux questions dans la salle du Concours.
....... Le soir arrive... On est harassé,
mais tout est enfin en place. Ceux qui viennent de concourir ne demandent
qu'à n'en plus parler; ceux qui viennent de Bullier affirment
la loge sans rivale. Les chars sont en ligne... tout va bien : A table!
....... Nous avons déjà décrit
ce que furent les festins, à Cochin particulièrement.
....... Après , ce fut le départ pour Bullier, la bruyante débandade
dans les rues, sur les boulevards, dans le Métro, dans les tramways,
avec des cris de guerre, des chants, et, deci, delà, quelques
titubations bon enfant.
....... L'entrée au Bal est triomphale,
bien entendu : la foule est là, les autos, les voitures, dans
la lumière crue de la façade; on se précipite,
on arrete tout, on se reconnait, on crie, on embrasse, on pince; enfin
on donne sa carte, et, dans un flot torrentiel, on est jeté dans
la salle. Quelle foule! quel vacarne ! c'est un mugissement continu,
martelé d'un piétinement incessant. Tous les tapages se
perdent en lui, et la musique de l'orchestre, en face de cette puissance,
monte grele, criarde et discordante. Avançons dans la cohue.
Tous sont là, les jeunes, les anciens, les futurs Internes et
les Fossiles. Il y en a que l'on ne revoit que là, tous les ans;
fidèles à la tradition, de tous les coins de province
ils viennent revoir les camarades et revivre une nuit de leurs vingt
ans.
....... Arrivons enfin aux cortèges.
Cochin et la Maternité
....... En tete, les bannières,
déjà décrites, des deux hopitaux [fig3 et fig4].
A la suite, le char du "Mal de mer". Dans un magnifique bateau,
construit sur les chantiers du Midi par Barou, deux malheureux, en proie
au terrible mal, sont soignés par un apothicaire. Métivet
est éblouîssant en amiral : aussi est il très remarqué,
particulièrement par nombre de petites dames, qu'il dut certainement,
à un moment donné, piloté vers Cythère.
Puis voici le "Mal de Mère" et les moyens d'y remedier.
Malthus et ses adeptes donnent une démonstration de leurs doctrines.
Le rapide croquis [fig7] rend mal l'assemblage cacophonique des porteurs
de ciseaux ou de seringues, des eunuques... ne portant plus rien , des
petites femmes portant, elles à la place du ventre, coussin d'amour
et tiroir de l'humanité, l'une, une salle de bar, l'autre, un
bar, ect.Et l'exhibition continue, ahurissante. On voit Malthus puiser
dans un bocal... Eh! quoi ? ... des cornichons ?.. Horreur ! ce sont
de petits foetus, qu'il bouffe à la fourchette. J'entend derrière
moi un éclat de rire et un : - " Très bien! Oh très
bien!"-. Je me retourne et vois la barbe fleurie et le lorgnon
phosphorescent d'Eugène Lericolais. Comment va-t-il présenter
tout cela dans son canard faiseur d'anges : "La Génération
conscientifique"? Mais Malthus-Saturne bouffe sans se lasser. La
Mort - aux gosses-, qui tient sa faux d'une main, l'évente de
l'autre. Cette suite de personnages se meut sur un char à la
Holbein, où des squelettes minuscules se découpent en
ivoriennes guirlandes à la Mantegna sur un fond noir semé
de larmes.
....... Lugubres, cette démonstration
du grand mouchage de chandelles! Ecoutez, bourgeois, ce lamentable "ranz
des vaches"! Grands frissons !... Bigophones!.. Le tout en mineur
exaspéré!..
....... Ah! les figures se dérident.
Voici du soleil avec le quatrième char, celui de Lesbos. Beau
soleil! ou plutot belles lunes ! on se ressaisit ... (aux bons endroits).
Deux belles lesbiennes protégées par Sapho se ... pament
sous les yeux de Silène ! c'est Isabey. Impossible d'entrer mieux
dans le role; voila bien le masque du père nourricier de Bacchus,
les bras superbes, la splendide panse, et surtout, l'estomac de l'emploi....
[fig7b].
....... Assurément, Lesbos, c'est
encore du malthusianisme; mais, foutre ! (non : sans foutre ! ) autrement
plus décoratif dans son barbotis que le barbotage dans l'équestre
cuvette. Et puis, nous savons tous que, pour une honeste dame, ces ....
délectations ne représenterons jamais qu'un apéritif.
Nos belles lesbiennes le prouvèrent : quand elles redescendirent
de Lesbos, elles s'empressèrent de revenir à notre Gaule.
Enfin ! voilà une moralités de toutes ces moralités.
....... "La France en deuil"
ferma le défilé, se lamentant sur la diminution des naissances
depuis le règne de Louis le Quinzième. Et allez donc !
... Voyez [fig8] "L'Amour sous Louis XV". Il porte beau, c'est
rutilant et ferme. Heureuse époque, où le monarque payait
de sa royale personne et donnait le bon exemple ! aussi fut il nommé
le Bien-Aimé. La France en deuil est représentée
par une belle fille dont toutes les provinces sont superbes : de beaux
monts, de belles collines, et splendidement boisées. Ah! comme
ils seraient difficiles à dénombrer, ceux qui découvrirent
subitement .... une ame de touriste!
....... Adieu! ô beau pays de France!
je suis forcé de te quitter j'en perds la tete et je vais...
à Bicètre.
Bicètre
....... Ici la loge porte au fronton "Le Cirque Cul-Air-Bart". Allons
! allons! circulez, les petites dames ! Quand on veut vous remplacer,
voyez où on en arrive. Contemplez la toile de fond, voyez ce
tigre occupé à de préalables travaux de calligraphie
sur un satyre qui en est tout réjoui. Ailleurs, un singe travaille
libidineusement un éléphant; gare à la salpingite!
Etc, etc.
....... Le char de Bicètre, c'est
sa fameuse Roulotte [fig9] qui lui sert à rendre visite aux collègues.
Le passage à la barrière met habituellement les gabelous
dans l'ahurissement.
....... Au programme, nous trouvons pour
Bicètre et sont cortèges :
Les Barthistes Forains
....... Fidèle au
principe "Bis etre ou ne pas etre", la salle
de garde émigre devant la funeste circulaire. Puisque Bart-au-lit ne te veut pas, viens à nous, péribarthéticienne ! La roulotte-boxon est ouverte ! Oh ! collègues, vous y trouverez
des danseuses libarthines, leurs barthies génitales et le Maurice' Bart!
On ne peut pas barther toujours,
Il faut jouir de ses roupettes.
Aux armes ! Citoyens. Dressez vos barthaillons !
....... Assurément les glandes de
Barth-o-lin de toutes les très belles filles de Bicètre
ont du aimablement fonctionner, ce , souhaitons le, sans appréhension
d'aucune cruelle barth-o-linite.
Claude-Bernard
....... O Aphrodite ! La
loge et le cortège, c'est : "Rendez nous le culte d'Aphrodite".
....... Les Asclépiades protestent
contre la circulaire et rendent un hommage public à Aphrodite.
Leur cortège, portant les attributs de la déesse, s'avance
vers son temple pour y déposer ses offrandes.
....... Très distinguées,
cette belle reconstitution grecque. On y voit Méaux-Saint-Mar
et sa petite fille; et puis de vieux Fossiles, parmi lesquels le grand
Pellot, dont la présence fait la joie de ses nombreux amis.
page 7
Beaujon
....... Gloire à Cochon
! c'est grace à ce cytoyen, phobie des proprios, qu'il y avait
de bien jolies femmes à Beaujon. On y montra aussi de bien beaux
bijoux. Voici pour le cortège de cet hopital :
Le cytoyen Cochon ramène les femmes en salle
de garde
....... 1. Bannière
de l'hopital Beaujon "Le barthisme, voilà l'ennemi!" Bartelenmi a chassé les femmes; il tente d'imposer aux
internes ses vices : la Masturbation et la Pédébartie!
....... 2. Une salle de garde sous le Barthisme.
Spectacle navrant : Un malheureux Interne tout seul à sa table,
dine tristement à l'ombre d'un buste d'Hippocrate et sous l'oeil
d'un sévère surveillant de l'A.P., incarné par
Françon [Fig10].
....... 3. Le citoyen Cochon contre le
barthisme. Cochon et le raffut de Saint-Polycarpe ramènent les
femmes au son de la cloche de bois.
....... 4. Le Barthisme est mort, vive
Cochon! Bartelenmi est jeté en pature à M. Vautour. La
sainte gaité est revenue en salle de garde [fig11].
....... Hommage et compliments pour leur
oeuvre aux bons camarades Pollet, Loewy et Bontemps. [Album de l'Internat]
Enfants-Malades
....... Une loge seulement,
mais très réussie [fig12]. Elle est entièrement
de Jean Parizelle, le peintre qui exécuta, l'an dernier, le fumerie
d'opium turilante de Boucicaut. Internes et artistes, tous connaissent
ce charmant camarade. A notre première demande de renseignements
sur son oeuvre, il s'est empressé d'envoyer beaux croquis et
commentaire.
....... Nom de la loge : "Les atrocités
balkaniques". Elle représente une partie de mosquée
en faïence verte ornementée; une frise de carreaux de faïence
et un pan de mur lézardé, crevassé par les projectiles
: un culot d'obus y est encore encastré. A gauche, pend mélancoliquement
un cadavre dont la futanelle, retroussée sans pudeur, découvre
un ventre flasque, verdi, au sexe arraché, dont le sang macule
les jambes poilues.
....... En haut, une lanterne et un corbeau aux ailes éployées,
portant des éclaboussures de sang.
....... Sur la toile du fon, au-dessus,
une ville d'Orient aux minarets écroulés et en feu. A
droite et à gauche, deux drapeaux aux glorieuses meurtrisures,
qui ont certainement vu le feu (de coke...). L'étendard vert
du Prophète et le drapeau rouge (andrinople,
naturellement) de la Turquie encadrent une tete dégouttante de
sang, fichée sur une pique. Par une ouverture, on aperçoit
deux cadavres : une femme "bien en chair", qui, certainement,
a subi les ultimes outrages : une baïonnette est fichée
dans le sexe, et , dans la bouche, un organe male, arraché, saigne
encore. Le fournisseur de cette ... pièce détachée
git, auprès d'elle, pendu par les jambes. Et devant cette scène
de carnage, le rictus sardonique d'Heuyer, le Bulgare et de Tartois,
le Turc au calot.
....... Le sage économe Perrin
avait su combiner avec art le diner qui précéda le Bal
et qui fut réhaussé, le fortuné! par le sourire
de jolie femmes.
....... "Les Enfants-Malades"
nous montrèrent des Turcs, des Balkaniques de tous poils, un
costume bulgare très authentique, un Romain de la décadence
qui, ô mystère! se métamorphosa en ours, et un inénarrable
Albanais qui, armé d'un fusil à treize sous et d'une petite
trompette, promena jusqu'à cinq heure du matin, sa saoulographie,
cramponnante à travers le Bal (Dernière heure. - Le jour
venu, ledit Albanais se trouvait chez un crémier du boulevard
Pasteur, un corbeau déplumé à la main. Qu'y faisait
il ? Nous enquéterons....)
Hotel Dieu
....... Cet hopital organisait
autrefois les plus beaux cortèges. Il s'est borné cette fois à présenter une modeste loge : "Les Eunuques
de l'A.P.", oeuvre de MM. Rodo, Geusel et Noël. Pour inconographier
ce titre, figure au fronton de la loge une Dame A.P : ce qui ne laisse
pas de doute sur son identité, c'est un tablier d'infirmière
marqué à ces initiales. La bonne Dame, trés administrativement
coupe, armé d'énormes ciseaux, le non moins énorme...
organe joyeux d'un Interne. Il faut toujours accuser, cela va de soi,
le jaloux et méchant Barth...olo. N'est ce pas lui qui fait couper
la ... bonne volonté des "Eunuques" de l'Hotel Dieu,
les empéchants de faire effort pour la mise en train de cortèges
semblables à ceux d'autrefois ? Où les anciennes gloires
et les premiers prix remportés alors par l'Hotel Dieu, au temps
où les envieux murmuraient : -"Parbleu ! cet hopital a deux
mille quatre cents bonnes raisons pour faire de la magnificence"?
Mais voilà : ce doit etre la faute à Ba....!
Enfants -Assisté
et Debrousse
....... Une loge très
en couleur : "Le rétablissement du Tour". Non le mauvais,
celui de Ba.., mais le bon, la poubelle (?) aux gosses, ici représentée
par une pissotière!.. Hé l'on fait en effet bien des choses
dans ces édicules, mais des enfants ? ... En somme, bonne décoration,
décorative, et assez inattendue.
Lariboisière
....... Prison Laribo ! Oeuvre très forte de Richard, Pinguet et Mendjinski
[fig13]. Nous y voyons figurer une doublure réussie de ce B.
de N. de D. de Ba..! C'est cette vieille chauve-souris de Pasfort. Il
est représenté en garde-chiourme. Il vient de faire décapiter
tous les Internes de Lariboisière. Les tetes sont pendues, sanglantes;
deux femmes éplorées, suppliantes et ... parfaitement"
à poil", venues sans doute pour distraire l'agonie de quelques
malheureux encore vivants, sont laissées inflexiblement à
la porte par René. Cette loge eut le premier prix, prix mérité.
Les tetes sont parfaites de ressemblance, la toile du fond était
peinte avec toute la maestria du meilleur décorateur de théatre.
La Fig 14 représente la dégustation du prix.
....... Toutes les qualités d'organisation
déployées par cet hopital font le plus grand honneur au
merveilleux économe et très aimable camarade Miègeville.
Necker
....... "Une première
Classe". Voilà un titre des plus justifiés; c'est
bien là une énorme blague et de toute première
classe. Si le très mysogine Ba.. mourut l'an dernier dans une
triste maison de santé, cette année, au moins, il meurt
dans une maison joyeuse, où, toutefois, on ne boit guère
à sa santé. Pas plus que dans aucune autre réunion
des Internes, il faut l'ajouter. A chacun des repas qui précédèrent
le diner du Bal, au cours de celui-ci, maintenant encore, il n'est pas
de discussion, d'explication, de toast, qui n'ait été
ou ne soit ponctué par l'exclamation : "et pour Ba..?"
On entend monter une vague de fond, qui doit venir de toutes les braguettes
en grève; elle se résoud en un formidable "Merde!".
Necker centralisé ces réprobations montées de partout;
celui qui en est l'objet fut mis en bière et sous un sombre catafalque,
qui au moment ou défila le cortège, forma le motif principal
d'une procession à la fois lugubre et joyeuse. Sur la loge de
Necker, on voyait l'éternel Ba.. représenté en
moutard et se livrant sur son sexe à un véhément
massage : dessous, on lisait le mot : -"déjà!".
Et Ba.. se retrouvait partout, à gauche en squelette avec la
croix sur les cotes [fig 17], à droite en vif, affreux, livide,
mais cependant, déclarait on, très embelli. La Fig 19
représente le sexe de B..., copié d'après nature.
....... Pendant que circulait son convoi,
[fig 16], on distribua dans la salle la lettre de faire-part ci-dessous,
largement bordée de noir [Fig15] :
La pitiè
....... Cet hopital offrit
"Le Salon des Médecins". C'est l'exposition du violon
d'Ingres... Nous voyons Esculape musicien, ou peintre, gentiment et
spirituellement blagué. La loge est l'oeuvre de Denicker; elle
est charmante à tous égards. Assurément, le chef
d'orcheste Richelot a dû bien s'amuser. Le très aimable
économe, Maxime Leroy, et ses bons collègues, Gauthier,
Rougier, Mondor, Escudier, Moser, Lanos, etc., sont eux-memes des musiciens
délicieux, et les échos de leur beau choral courent les
salles de garde, y réveillant la joie par leur puissance et leur
vigueur. Honneur à ces braves qui sont encore dans la bonne tradition
de la Chanson !
Saint - Louis
....... La loge reproduisait "Les Emmerdements de la Vie". Ils furent
quatre pour ch... cette loge; l'un d'eux s'enfuit, S... Fut-il trop
délicat? Les trois autres attaquèrent franchement la matière
: ce fut M d'Alix, M. Fortuné (Oh! combien doit-il l'etre après
ce travail!) et Mlle Laurencin. Charmante artiste, que diront vos admirateurs
du Cercle des M. de la rue P.?.. Applaudiront-ils à cette nouvelle
victoire du cu...bisme? Depuis l'année 1910, où nous admirames
fort votre exposition aux Indépendants et votre grand courage,
vous étes en progrés. Cependant tout cela n'est pas du
Cubism...uth, tant s'en faut! personne n'est constipé dans cette
loge.
....... En haut de la loge, une frise portant
le nom de l'hopital, une suite de gros fessiers (la demi douzaine),
chacun donnant le jour à un magnifique colombin formant une lettre;
le tout écrit "St Louis". Sur la toile de fond est
peint un grand gaillard vu de dos : lui aussi fournit son offrande,
et, en attendant qu'il lui devienne plus utile, il lit un grand journal,
un quotidien évidement; on en peut voir le titre : "La Merde".
Assurément, chacun a dû y trouver une allusion au journal
qui n'est pas de son opinion. Sur le devant de la loge, des latrines,
où des personnages paient où viennent de payer la lourde
échéance de leur digestion.
....... Et voici pour le cortège
de cet hopital :
Les emmerdements de vi (e ou s)
....... 1. Lutte des Gaules
contre les fleurs blanches.
....... 2. Pour éviter la flueur
blanche, la Gaule cherche un unique abri : c'est le collage. Héla!
l'agglutination et l'adaptation deviennent si parfaites que la séparation
n'est plus possible.
....... 3. Tout a une fin : la Gaule retombe,
impuissante, molle et flasque, et le chat comme soeur Anne, ne voit
plus rien venir!
....... 4. Le roi des Emmerdeurs prèche
l'abstinence à le jeunesse turbulente. Sans succès, car
l'Amour reste victorieux.
....... Bien entendu, le susdit roi est
toujours le dénommé Ba...
Tenon
....... Nous sommes appelés
ici à contempler "La loge vaginale". Voici le plus
grand... chose qu'oncques vimes de notre garce de vie. Et cependant...
On entre tout entier là où, adulte on ne pénétre
que caudalement. J'y vois l'ami Dupradeau, magistral foetus couvert
de soie et d'hermine, qui siège en ce peu banal tribunal. N'oublions
pas un clitoris d'une turgescence libidineuse, et qui rutile splendidement
grace à une ampoule électrique du plus beau rubis. Somme
toute, cette loge, des plus originales, fait grand honneur à
M. Bernard; il est arrivé à y mettre en réalisation
un projet souvent envisagé comme sujet de loge, et auquel, jusqu'ici,
on avait renoncé, reculant devant les difficultés de la
mise à exécution.
Hopital Trousseau
....... Voici, alphabétiquement, la dernière loge, mais c'est
une des premières au point de vue de l'humour et de l'exécution.
Elle est l'oeuvre de deux bons humoristes pleins de talent, Cheval et
Lortac. La Fig. 20 en donne bien la composition, mais il y manque un
de ses charmes principaux, la couleur. Dans cette loge charmante, se
trouvaient de bien gracieuses dames, Mesdames Cheval et Lortac, qui
furent l'enchantement du diner du Bal en cet hopital privilégié.
Tout y fut, du reste, gracieux et charmant, grace à l'aimable
organisation de l'économe Colleville, aidé des camarades
Cuthala et Plaisant.
....... Les défilés sont
terminés, les chars ont été poussés en hate
dans un coin, on se masse devant la loge du jury, où se proclament
les prix : Prix de cortèges, prix des loges, prix de beauté... Des
jeunes femmes nues montent sur l'estrade. Les unes se cambrent, fières
de leur corps, les autres ont un frisson pudique et le geste instinctif
qui cherche le voile, certaines demeurent de grace indifférente,
avec de la lassitude dans les yeux. On les acclame et on les admire
[Fig21], une loudeur commence à envahir la salle. Les jeunes
ont l'air plus lascifs, les Fossiles prennent un sourire condescendant
et amusé...
....... C'est à ce moment que l'orchestre
exécute un brillant pot-pourri composé de tous les vieux
airs du Quartier latin, ou plus spécialement des Salles de garde.
Depuis quatre ans, on les jouait plus; je remercie chaleureusement le
comité du Bal d'avoir bien voulu prendre en considération
ma réclamation. L'effet
est d'ailleurs magique. Toute la salle accompagne l'orchestre, chantant
avec un brio magistral, d'abord la classique "Chanson de Lourcine",
qui est à l'Internat ce qu'est aux Quat'z'arts le fameux "Casque
du Pompier", puis "Les Orfèvres", et
la "Chanson de l'Hotel Dieu, n.. de D..!" et "Le
Pauvre Pierre", et tant d'autres. Il est évident qu'on
doit cet ensemble, cette conservation, ou plutot cette rénovation
de la bonne vieille tradition des Chansons du Quartier à la diffusion
de l'"Anthologie" des Chansons de Salles de garde. [1]
....... Appuyé sur la balustrade
des galeries supérieures, on a tout le bal à ses pieds.
Les cuivres ont éclaté en tapage, le bruit monte, puissant.
Mais quel régal et quelle joie pour les yeux ! [fig24].
....... Vu ainsi d'en haut, j'oserai meme dire "de haut", le spectacle
est éblouissant. Toutes les notes fausses ou mesquines sont perdues
dans l'ouragan des couleurs tournoyantes. Qu'on se figure un immense
champ de fleurs de toutes les essences et de tous les tons, et, sur
son étendue, des coups de vent fous, passant en rafales multiples
et désordonnées.
....... Toutes les gammes de nuances, toutes
les valeurs, virent, s'entrelaçent, se mèlent, se confondent.
Deci, delà, quelques notes aigues paraissent et disparaissent,
éclair d'une armure ou d'un diadème. Les casaques de mousquetaires
piquent des rouges vifs de coquelicots. Les blancs de lingerie sont
marguerites ondoyantes. On
voit des jaunes colza et toute la dégringolade des tons soyeux
des pavots. Cet ensemble a comme "passage" de nuances et de
valeurs les magnifiques chairs de femmes, toutes rosées de plaisirs
bachiques et de volupté. Et toujours du nouveau et du renouveau
dans la magie de l'effet, soit que l'orchestre assemble ou désassemble
les groupes, soit qu'une subite bourrasque de curiosités précipite
brusquement toute cette couleur animée vers quelque point de
la salle. Et, si vous vous efforcez de saisir la cause de ces remous
violents, de ces rafales subites, qui inclinent d'un semblable coté
le champ de fleurs vivantes, c'est, ici, une belle fille que l'on houspille,
pour lui faire quitter quelque dernier voile : des cris multiples de
: " A poil! A poil'" se répètent et se mutiplient
pour l'inciter à se mettre dans l'uniforme de rigueur... C'est
là, une loge, au fond de laquelle un couple s'occupe de fécondation;
en dépit du tapage, il oeuvre avec persévérance,
plus de persévérance que de succès... Bacchus a
provoqué Maitre Cupidon; mais quand celui-ci s'est pamé
dans les vignes, il deviend un maladroit archer d'amour; c'est incertain
que son ... arc se bande! Ailleurs encore où se précipite
la tourmente, où tous accourent et s'entassent comme grattures
multicolores autour d'une palette, au centre, ce sont deux gosselines
maigrichonnes, qui renouvellent les délices de Lesbos; la danse,
la chaleur, la musique, un peu d'ivresse aussi, ont fait tourner, sous
les cheveux défaits, les petites cervelles légères. Assurément,
ni Laïs, ni Sapho, mais peut-etre Myrtho et Glycère. Dansez,
aimez, menus trottins d'imprécise beauté et de pauvre
grace; vous avez quand meme le charme doux et pervers des parfums trop
subtils et des musiques d'emprise langoureuse. Aimez, dansez; qui sait
ce que vous deviendrez demain?..
....... Toute cette orgie romaine en tant
que licence, mais bien vénitienne comme beauté, est noyée
dans une poussière d'or et d'ambre. Il y ondoie les belles brunes
aux commissures chaudes et aux fourrures sombres, les jolies blondes
aux ventres blancs, aux seins nacrés qui ressemblent à
de prestigieuses et énormes perles; les rousses resplendissantes,
laiteuses de chair et ardentes de toisons... Toutes
ces formes harmonieuses, avec leurs nudités magnifiques, complètent
la haute note de vibrations dans le coloris général. On
est grisé par tant de visions à transformations rapides,
et on commence à respirer avec trop de volupté l'atmosphère
qui s'est imprégnée du fort relent lascifs des ferments
humains.
....... Ici se terminent
des descriptions beaucoup trop brèves assurément. La salle
Bullier est très grande, et il était difficile, sinon
impossible, de la parcourir toute, tant la foule était dense.
Ce n'en est pas moins la salle idéal et classique. Chacun des
essais d'autres locaux fut peu heureux. Du reste, le directeur Moreau
n'oublie pas qu'il a fait sa médecine et se prète toujours
avec sympathie aux désidérata des étudiants présents
.... et futurs.
....... Nous avons écrit, pour demander
renseignements et documents, à chaque économe des salles
de garde représentées au bal. Je m'excuse, auprès
de ceux qui n'ont pas répondu, de n'avoir pu m'étendre
davantage quant à leur part prise à la fete. Et je remercie
vivement Leroy (Pitié), Miègeville (Laribo) et Colleville
(Trousseau), qui eurent la grace de me répondre. De meme, je
ne veux pas quitter cet article sans exprimer chaleureusement ma reconnaissance
aux sympathiques Internes de Cochin-Ricord et la Maternité, MM.
Henri Vignes, Percepied, Ecalle, Vallery-Radot, Eudel, Lesage, Morancé,
etc. Je n'oublie pas le bon Fossile Métivet, qui conduisit le
navire de Cochin à la gloire. Mon souvenir s'en ira longtemps
aux exquises soirées passées à Cochin et à
la Maternité, soirées si remplies de franche gaité
et de bonne camaraderie, et où les Internes ont su charmer leurs
collaborateurs d'un jour, les artistes.
TAUPIN.. |