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L'INTERNAT DE PARIS

Trimestriel d'information
de l'Association Amicale des Anciens Internes
des Hopitaux et Hospices Civils de Paris.

N°22 - octobre 1999

 Témoignage

Les années 80 de l'Internat de Paris

Alain Haertig promotion 1972

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Nous reproduisons dans son intégralité un article d'Alain Haertig publié dans le numéro 38 de la lettre de l'Internat à l'occasion des 50 ans du SIHP et des 10 ans de La lettre de l'Internat.

Qu'André Nazac, président du Sihp et Stéphane Cardus, rédacteur en chef de la Lettre de l'Internat en soient remerciés.

...

Les Internes, par une préparation aux concours en sous-colles, en conférence d'Internat, ont une double particularité : l'individualisme et l'esprit de corps dès qu'ils se sentent attaqués par des mesures qui mettent en cause leur travail et la préparation du concours qu'ils ont réussi.

C'est ainsi qu'en 1983, la première grogne des Internes se fit sentir quand, concomitemment, le Conseil de l'Ordre des Médecins et le Ministère de la Santé ont concocté une réforme. Celle-ci visait d'une part à donner l'équivalence des Certificats d'Études Spéciales (CES) aux étudiants en médecine nommés aux xoncours de l'Internat des régions sanitaires, d'autre part à reconnaître comme Spécialistes (par le Conseil de l'Ordre des médecins) tous les étudiants ayant obtenu, après trois échecs aux épreuves nationales des Certificats d'Études Spéciales, une note supérieure ou égale à 7/ 20 !

Ce projet allait mettre sur le marché des centaines de « faux spécialistes » qui s'installeraient dans la même spécialité avant même que les Internes nommés aux Concours ne puissent terminer cette même spécialité.

Cette mesure fit mettre en grève pendant huit jours la totalité des internes et des chefs de clinique de Paris et de France.

La campagne, lancée par les internes et les chefs de clinique dans les médias était très simple pour le public : peut-on mettre aux commandes d'un Boeing 747 des commandants de bord qui auraient échoué par trois fois à leurs examens d'aptitude ou n'auraient obtenu qu'une note de 7/ 20 à leur examen ?

Les 350 passagers potentiels et donc tous les Français avaient parfaitement compris ce message clair et l'arrêté fut suspendu…, pour être publié au J.O. quelques mois plus tard, en catimini !

Ces mesures avaient été prises sous la pression du lobbying d'un syndicat de collés aux épreuves de l'examen national des CES, comme plus tard le lobbying des généralistes, sous la pression du syndicat MG France, demanderont que la médecine générale soit décrétée spécialité et que l'Internat soit, pour tous, remplacé par un examen classant où il n'y aura pas de collés, le dernier des reçus ayant les mêmes « faux » titres que le premier des reçus.

LA GRANDE GRÈVE DE MARS -MAI 1987

La deuxième grande grève des Internes, et peut-être la seule qu'a connue l'ensemble des hôpitaux tant son ampleur était impressionnante, avec paralysie quasi totale de tous les CHU de France &emdash; fut la grève de mars-mai 1987. En pleine grève, le Ministre de la Santé de l'époque, Jack Ralite, a dû quitter son portefeuille et fut remplacé par le maire de Rennes, Edmond Hervé.

Pourtant, échaudé l'année précédente par une mesure ne prenant pas en compte l'effort et le travail d'un concours et d'un Internat de 5 années, le gouvernement voulu imposer l'accès à la titularisation massive dans les hôpitaux généraux de médecins non issus de l'Internat des Hôpitaux. Par ailleurs, concernant l'installation en secteur libéral, lot commun de plus de 70 % d'Internes, le gouvernement ne voulait plus accorder aux Internes et chefs de clinique la possibilité de choisir le secteur à honoraires libres. Devant cette double menace, les Internes et les chefs de clinique décrétèrent la grève générale.

Le Ministre de la Santé communiste voyait d'un très mauvais œil cette grève qu'il jugeait trop vite soit catégorielle soit politique et sur laquelle, bien entendu, il n'avait aucune prise.

Les négociations se déroulaient avenue de Ségur. Le Ministre de la Santé, Jack Ralite était entouré de ses conseillers médicaux : il y avait le pr. Seligmann, immunologiste à l'hôpital Saint-Louis, dont l'épouse était secrétaire nationale du parti Socialiste, et un conseiller spécial, chargé d'étudier la psychologie des responsables des internes et des chefs de clinique : le pr. Widlocher, qui ne prenait jamais la parole, mais étudiait chaque intervenant pour mieux chercher une faille chez les négociateurs.

Les internes, menés à l'époque par Philippe Denormandie, et les chefs de clinique, par Bernard Fraysse, se mobilisaient ; surtout, au départ, dans les villes de province et parmi les chirurgiens. La grève s'étendit rapidement à tous les CHU. En huit jours, la grève était totale, de Lille à Marseille, de Brest à Strasbourg.

Les négociateurs internes et chefs de clinique formaient un couple remarquable avec deux équipes : une délégation de 8 personnes dans la salle de négociations du Ministère et 8 autres également habilités à négocier, dans les couloirs jouxtant cette salle. Toutes les heures un membre de chaque délégation quittait la séance et rendait compte des négociations aux 8 délégués restés dehors qui répercutaient aussitôt l'information au Fer à Moulin et dans la France entière. Ainsi, à chaque instant tous les internes et chefs de cliniques étaient au courant des négociations. En retour, les négociateurs pouvaient recevoir des informations et prendre connaissance des réactions de la base.

Après 12 jours de grève Jack Ralite a été remplacé par Edmond Hervé. Ce dernier, très aidé par Jean de Kervasdoué, alors directeur des hôpitaux, voulait obtenir un compromis et avait même prévu à la fin d'une séance la convocation des chaînes de télévision pour les journaux de 20 heures. Il voulait donc que nous signions un document commun devant les télévisions.

Flairant le piège, les internes et les chefs de cliniques refusèrent catégoriquement de se montrer aux côtés du Ministre. Ce dernier, fou furieux, entra dans une violente colère vers 19 h 50, alors que toutes les chaînes étaient à sa porte… L'opinion et les médias étaient du côté des blouses blanches.

La grève continua de plus belle après cette tentative de déstabilisation.

Pour sortir de ce conflit qui durait déjà depuis plus de 5 semaines, il y eut un entretien secret à l'Élysée avec Bernard Attali, dans le bureau jouxtant celui de François Mitterrand, pour faire comprendre au Président la gravité de la situation.

SORTIE DE GRÈVE

Finalement les négociations au niveau du Ministère de la Santé étaient dans une impasse totale. Le Premier Ministre de l'époque, Pierre Mauroy, chargea son Ministre des Affaires Sociales, Pierre Bérégovoy, de trouver une solution au conflit.

Le gouvernement proposa la nomination de cinq médiateurs, tous médecins, ces médiateurs devant remettre un rapport après avoir entendu tous les représentants des syndicats hospitaliers et de la médecine libérale.

Les internes et chefs de clinique organisèrent alors des États Généraux de la Santé en faisant construire en une nuit un immense chapiteau sur l'esplanade du Château de Vincennes. Tous les internes et chefs de clinique de France prenant la route, le train, ou l'avion, se retrouvèrent à plus de 4 000 sous ce chapiteau pour entendre les 5 médiateurs nommés par le Gouvernement.

Le gouvernement proposa à la signature des délégués un protocole d'accord en cinq points qui répondait en grande partie aux demandes des internes et des chefs de clinique :

1er. dans l'équilibre du régime de l'assurance maladie, il était demandé aux partenaires sociaux, principalement les dirigeants des Caisses d'Assurance maladie, d'étudier un droit promotionnel permettant l'installation des anciens Internes et Chefs de Cliniques dans le secteur 1, avec un dépassement possible d'honoraires, non remboursable ;

2e. les anciens Assistants ou Chefs de Clinique des Hôpitaux pourraient s'installer lors de leur première installation directement dans le Secteur 2 ;

3e. 500 postes d'assistants hospitalo-universitaires seraient créés ;

4e. 2 000 postes de praticiens seraient également proposés dans les hôpitaux généraux aux anciens Internes des CHU sur un concours spécial ;

5e. diverses mesures portant sur le statut de l'Interne et une revalorisation des gardes et astreintes étaient prévues.

 

Ces propositions reçurent l'aval des États Généraux puis des Assemblées Générales convoquées le lendemain dans toutes les villes de CHU.

La seule mesure à avoir été véritablement appliquée concernait la possibilité de s'installer directement dans le secteur 2. Les quatre autres mesures furent peu ou pas appliquées. En particulier, le gouvernement reniant ses engagements n'a pas voulu établir un droit promotionnel pour les anciens Internes de CHU et anciens Chefs de Clinique. Pas plus le gouvernement Mauroy, que les Gouvernements Fabius et Chirac qui lui ont succédé, ces derniers ayant pourtant en main la promesse du gouvernement précédent !

ET DEMAIN ?

Pourra-t-on encore fêter les 50 ans du Comité de l'Internat, puis les 200 ans de l'Internat de Paris en 2 002 ?

Le Concours risque fort d'être supprimé avec la bénédiction des doyens, des enseignants, des anciens Internes, conseillers ministériels : en supprimant les sous-colles, on espère faire revenir par je ne sais quel coup de baguette magique les étudiants vers les cours de faculté !

Je refuse de parler de sélection par l'échec, je ne connais pour les Internes des Hôpitaux de Paris qu'une sélection, celle du succès à un concours républicain, seul garant des valeurs citoyennes, qu'il faut réformer, certes, mais non supprimer.

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